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Bouisse : un terroir des Corbières
Bouisse est la plus haute commune du canton de Mouthoumet. Elle fut, pourtant, et pendant longtemps, la plus peuplée, devançant largement ses voisines, elle approcha les 800 habitants au recensement de 1826. L’étendue et les caractères physiques du territoire permettent d’expliquer ce paradoxe et de comprendre qu’une population aussi importante ait pu y vivre, mal peut-être, mais y vivre tout de même.
Le relief
La superficie de la commune est de 2544 ha. Elle s’étend sur des matériaux appartenant dans leur majorité à la bordure occidentale du massif de Mouthoumet. Les calcaires, au nord-ouest et à l’est, donnent les reliefs les plus hardis servant de limite depuis la Montagne d'Ournes à l’Ouest jusqu'au Milobre culminant à 870 mètres au Nord. À l’Est, elle est bordée par une longue barre rocheuse, la Serre, dominant la vallée de l’Orbieu. Ces zones calcaires du dévonien, sous l’effet de la tectonique et de l’érosion développent quelques dépressions offrant les meilleurs sols de la commune, c’est là que s’est bâti le village.
Ailleurs des matériaux d’origine détritique, très sensibles à l’érosion, rappelant des schistes par leur aspect feuilleté, ont un développement important. Dans les environs de Salagriffe au nord-ouest, ils dateraient de l’ordovicien ; dans la moitié sud de la commune, ils occupent une plus grande superficie, ils sont datés du carbonifère.
À l'extrême sud ouest, vers Arques, apparaissent des matériaux plus récents appartenant au crétacé, de la fin de l’ère secondaire. Les sols extrêmement friables, n'ont pu supporter d’exploitation agricole durable.
Une perte karstique au contact des couches schisteuses et calcaires, a fixé le village à proximité de l’unique point d’eau à proximité d’un réseau de vallées sèches, aux fonds tapissés de terre argileuse favorable à la culture.
Le tracé des routes dans les matériaux schisteux est révélateur de la nature du relief. L’érosion très active a découpé des serres séparées par l’encoche des ravins, la route souligne l’alternance vallon et bombement pour chacune d’elles. Ce phénomène est bien apparent sur la portion de route qui descend vers St Pancrace, les renflements de la route correspondent au bombement de la serre, les creux de part et d’autre sont dus au ravinement des ruisseaux.
Vers l’ouest, la présence de sources au contact des couches calcaires et schisteuses a favorisé l’installation d’un habitat dispersé.
Le terroir du village, est le meilleur ce qui justifie son occupation ancienne et continue. Aux terres cultivables des fonds de combes s’ajoutent des pâturages appréciables sur les flancs du Milobre au nord et ceux de la Serre à l’est. C’est pour cela que la population de la commune (de la seigneurie autrefois) s’est toujours partagée par moitié entre le bourg et les écarts qui jouissent pourtant d’un bien plus vaste espace.
Le climat
Il combine des caractères méditerranéens et océaniques, aggravés par l'altitude. Les hivers sont rigoureux, les maigres feux domestiques ne pouvaient autrefois conjurer le froid régnant dans les maisons. Les températures négatives sont fréquentes. Les chutes de neige abondantes peuvent se présenter dès la fin octobre et se manifester jusqu’au mois de mai. A plusieurs reprises les prêtres du XVIII° siècle signalent dans la rubrique des décès le cas de personnes mortes d'épuisement sous la neige, ainsi Devèze Jeanne âgée de 18 ans ensevelie le 3 février 1727. Anguille Jeanne décédée à l'âge de trois mois, fut inhumée dans l'église, le 15 janvier 1715, l'épaisseur de neige étant trop épaisse pour creuser une fosse dans le cimetière voisin. Le 28 janvier 1729, la neige empêche Cantié Estienne de Salagriffe de venir à Bouisse pour le baptême de son petit fils Bernard dont il devait être le parrain, c'est l'oncle maternel de l'enfant qui le remplace. Les masses nuageuses venant butter sur le Milobre sont à l'origines d'importantes précipitations. Leur total est supérieur à 1 mètre par an. La notice de la carte géologique de la région, à l'échelle du 1/50.000, éditée par le BRGM donne 1256,2 mm/an.
L'histogramme suivant a été construit à partir des moyennes calculées sur une période de dix huit années comprises entre 1968 et 1989.
Les pluies d'origine océanique sont les plus bénéfiques, elles s'étalent dans le temps ce et peuvent s’infiltrer dans le sous-sol, alors que les pluies méditerranéennes plus violentes ruissellent plus qu'elles ne pénètrent en profondeur. L'histogramme de la répartition annuelle des précipitations fait apparaître un maximum de saison froide. L'automne est plus humide que le printemps. Un minimum d'été se manifeste avec un fort creux en juillet, redoutable pour l'élevage si la chaleur et le vent s'en mêlent, les effets se prolongent alors sur août et septembre. Lorsqu'elles sont régulières, les pluies favorisent les pâturages si bien que l'élevage est la principale richesse du pays.
Le milieu physique et la santé
Des comparaisons avec les données collectées dans d’autres communes que le relief et le climat ont eu des effets sur l’évolution de la mortalité.
Les courbes traduisant l’évolution annuelle des décès connaissent à Bouisse des variations bien moins grande ampleur. Certaines crises démographiques ont épargné le village. Avant la Révolution, en 1772, une épidémie de fièvre miliaire frappe la région. Elle inquiète le prêtre d’une paroisse de la vallée du Lauquet, elle frappe la population de Missègre, tandis que Pautard, curé de Massac, signale l’importance du mal dans sa paroisse et propose même une médication. Bouisse, est épargné.
Le travail d’un groupe d’élèves sur l’épidémie de choléra de 1854 avait démontré qu’elle avait épargné Bouisse alors que la commune voisine d’Arques avait été très éprouvée. Le prêtre de cette paroisse, d’après le registre de catholicité, fut accablé de travail au cours des mois de septembre et octobre de cette année. Dans ce laps de temps, il procéda à l’inhumation de plus de soixante personnes. Le registre des décès conservé à la mairie d’Arques, fait état de soixante neuf personnes décédées en 1854, cinq entre le début de l’année et la fin juin, soixante deux entre le 2 septembre et le 30 octobre et enfin deux en décembre. C’est plus du dixième de la population communale d’Arques qui disparaît ainsi. Rien de comparable n’a été observé à Bouisse de 1695 à nos jours. Une épidémie plus tardive faisant tout de même une dizaine de victimes survint en 1869. C’est la seule crise démographique importante relevée au 19e siècle, elle fut plus bien grave ailleurs.
Si l’on doit chercher des explications du côté de l’hygiène, les seules que l’on puisse avancer tiendraient à la qualité de l’eau. Elle provient de sources pérennes, il n’y a pas d’eau stagnante propice à la prolifération microbienne.
On doit à l’altitude la qualité de l’air. Plus sec et plus sain, il ne favorise pas l’extension des épidémies.
Le relief accidenté, responsable des difficultés de circulation maintiendra longtemps Bouisse à l’écart des axes traversant les Hautes Corbières. Ce qui dans le domaine des échanges était un handicap a été bénéfique en période d’épidémies, la population courant un risque mineur de contamination.